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Protéger les participants à la recherche pour se préserver

Abordons le sujet sans détour : les comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains (CER) sont souvent perçus comme une visite chez le dentiste : un mal nécessaire, un passage obligé. Les chercheurs les plus incisifs vont jusqu’à les qualifier de police mandatée pour ralentir la conduite sur l’Autobahn de la recherche et de la création. Voire de repaire de chercheurs aigris. Ces clichés traduisent davantage une insatisfaction à l’égard de ce qui a parfois des allures de bureaucratie de l’éthique que par rapport à la mission des CER. Cette responsabilité dépasse la seule protection des participants à un projet de recherche. Sans en minimiser l’importance.

Les productions qui découlent de l’écosystème de la recherche universitaire tiennent leur notoriété historique d’une autorégulation collégiale. Cette dernière se fonde sur des principes tels la neutralité, la réfutabilité, l’amélioration perpétuelle des idées et la mise à plat des méthodes de travail. Ces principes sont au cœur du répertoire partagé de la communauté scientifique et ils guident le dialogue entre ses membres, que ce soit au niveau local ou élargi.

Les CER sont un maillon crucial de cet écosystème. Et pas une entité dépareillée appartenant à une activité humaine parallèle. Certes, les CER possèdent un mandat distinctif. Celui d’authentifier que les chercheurs répondent aux trois principes directeurs que sont le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être et la justice. Néanmoins, et à l’instar des comités d’évaluation de demandes de subventions et d’articles, les CER contribuent ultimement à la production d’une recherche de qualité et à la préservation de la réputation de rigueur qui caractérise cette activité. Ils souhaitent une riche production, dans les meilleurs délais respectant la perspective qui leur est propre. Les membres d’un CER ne sont donc pas des justiciers mais bien des promoteurs de la recherche investis d’un rôle précis au sein de l’écosystème.

L’éthique de la recherche existait avant les CER. Nier cela, ce serait mettre en doute la bienveillance de plusieurs générations de chercheurs et compromettre la portée d’un vaste corpus scientifique. Cela dit, la place que la science occupe dans la société – qu’il s’agisse de sa diffusion accrue auprès du grand public ou de l’essor de la science participative – est susceptible d’engendrer de nouveaux questionnements et une critique plus affutée de la part de monsieur et madame Tout-le-Monde. En particulier dans une ère où les médias sociaux sont omniprésents, où la compétition entre les faits scientifiques et les opinions déguisées en faits alternatifs est féroce. Dans un tel contexte complexe, le sceau apposé sur un projet par un CER est aussi une mesure préventive de reconnaissance de la qualité du travail des chercheurs et des étudiants-chercheurs. Le chercheur devrait se sentir appuyé dans son travail.

S’il va de soi que les CER œuvrent à la protection des participants, il importe aussi de prendre pleinement conscience que leur mandat ne s’y limite pas. Protéger les participants à la recherche, c’est aussi préserver la recherche et les chercheurs.

Stéphane Allaire, Ph.D.
Professeur au Département des sciences de l’éducation
Président du Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains
Université du Québec à Chicoutimi